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DLF, n° 283
LES DICTIONNAIRES FRANÇAIS, OUTILS D’UNE LANGUE ET D’UNE CULTURE de Jean Pruvost Éditions OPHRYS, « L’Essentiel français », 2021, 228 pages, 18 €
Observant l’évolution de l’oeuvre lexicographique de Jean Pruvost, c’est la
métaphore de l’arbre qui s’impose, celle de l’histoire du langage de pair avec le
développement des savoirs.
Au commencement les racines, quête inassouvie des origines, car les mots
pourraient bien nous conduire vers la découverte des «
mystères que le ciel cache ».
Ainsi de
L’Etymologiae d’Isidore de Séville au VII
e siècle, ouvrage fondateur de la
pensée médiévale pour tout l’Occident latin pendant plus d’un demi-millénaire.
Est-ce la crainte de l’oubli de leur langue qui incita les érudits à «
recueillir » les vocables estimés
rares ou techniques ? Déjà au III
e siècle avant J.-C., Aristophane de Byzance avait fondé une École
de lexicographie, mais aussi les Romains, avec Varron, au I
er siècle avant J.-C., lequel opéra un
classement par matières dans le
De Lingua latina. Le tronc de l’arbre a donc commencé sa croissance
en latin, idiome dangereusement concurrent pour l’établissement du français. Mais fort
heureusement, le roi François I
er signa en 1539 l’ordonnance de Villers-Cotterêts, instaurant
l’obligation de rédiger les documents officiels en français. La même année, l’imprimeur Robert
Estienne publie le
Dictionaire francoislatin qui fait la part belle aux articles rédigés en français, même
s’il conserve «
un bilinguisme discret » ! Par la suite, le mouvement s’accélère : le XVI
e siècle finissant
produit le
Thrésor de la langue françoise de Jean Nicot, tout à la gloire de la langue nationale ! Mais
on a peine à croire que notre précieux idiome avait déjà besoin d’être défendu contre la menace
vigoureuse de l’italien, et encore sournoise du latin ! Néanmoins, l’institution salvatrice fut l’Académie
française, fondée en 1634 sous le règne de Louis XIII. À dater de cette époque, l’arbre s’enrichit
de rameaux par milliers, sans compter une riche frondaison de dictionnaires bilingues, spécialisés
et même (et surtout !) amoureux. Pouvait-on imaginer qu’en 2019, notre vénérable Académie
offrirait gratuitement, par le biais d’un portail électronique avec un simple « clic », les neuf éditions
de son
Dictionnaire depuis la première en 1694 ?
Jean Pruvost déambule tout à son aise au sein de cette étonnante créature. La nouvelle édition de
son ouvrage – lauréat en 2007 du prix de l’Académie française – indique les chemins à suivre selon
nos intérêts intellectuels. Désormais, depuis son téléphone, tout citoyen moderne et branché peut
s’initier aux arcanes dictionnairiques...
Monika Romani
LE PIÈGE DU TOUT-ANGLAIS EXPLIQUÉ AUX FRANÇAIS PAR UN ANGLAIS de Donald Lillistone Éditions Glyphe, « Le français en héritage », 2021, 96 pages, 8 €
Après avoir lu l’essai de Donald Lilllistone, enseignant anglais farouchement
francophile, on se demande comment les anglomaniaques peuvent encore s’autoriser
à pratiquer « le tout-anglais » ! Car sa démonstration visant à les remettre dans le droit
chemin, est lumineuse.
D’abord, l’auteur rappelle la définition canonique de la langue par le linguiste Claude
Hagège : manière de penser, façon de voir le monde, expression d’une culture, beaucoup plus
qu’outil de communication. Il s’ensuit que « le tout-anglais », énoncé sous forme de globish (motvalise
composé de
global et
english), simplification n’utilisant que les expressions les plus communes, produit un nivellement destructeur par le bas. Ce sont principalement des agences de com et de tourisme, des organisateurs de conférences en mal d’originalité et certains membres des classes
dirigeantes qui déforment sans scrupule et le français et l’anglais en croyant « faire moderne ». En
fait, ce snobisme niais et parfois franchement ridicule s’expliquerait par des raisons économicopolitiques.
David Crystal, spécialiste de la langue anglaise, a démontré à maintes reprises que cette
situation résulte de la puissance de l’Empire britannique au XIX
e siècle, suivie de l’hégémonie des
États-Unis aux XX
e et XXI
e siècles. Actuellement, même après le Brexit, le piège du « tout-anglais »,
c’est l’empire spirituel américain, «
seule culture populaire commune aux jeunes Européens ».
Alors, la richesse pluriculturelle européenne est-elle condamnée à se diluer dans le « tout-anglais » ?
Soyons optimistes. Car il semble que cette prédominance commence à faire date (
vintage !). Les
études récentes montrent que «
l’anglais ne suffit plus ! », impliquant un renouveau du français, de
l’allemand et de l’espagnol. CQFD.
Monika Romani
LANGUE FRANÇAISE MINUTE. 200 DIFFICULTÉS À SURMONTER POUR ÉCRIRE ET PARLER UN FRANÇAIS
CORRECT de Delphine Gaston-Sloan Éditions Contre-Dires, 2021, 420 pages, 14,90 €
Par les temps qui courent, Delphine Gaston-Sloan sait que la langue française nous
attend au tournant des multiples complications dont elle a le secret. L’autrice nous
offre donc un programme minuté au sein duquel le chapitre intitulé « Des fautes
de proximité » ainsi que leur kyrielle de barbarismes et pléonasmes, est celui qui démontre le mieux
à quel point le français est redoutablement difficile.
Ainsi, pour une oreille non francophone ou d’un faible entendement, la confusion est vite faite
hélas entre
affection et
infection, pis encore entre
billard et
billot,
percepteur et
précepteur,
circonscrire
et
circoncire,
lésion et
liaison, etc. Ces mots dangereux pour la vie sociale sont analysés en éclairant
le lecteur par des exemples toujours empruntés à l’Histoire ou à la littérature, ce qui rend cet
ouvrage doublement attrayant.
Par rapport à ces bévues irréparables, l’orthographe et la conjugaison semblent moins urgentes à
réparer, encore que les 200 difficultés présentées ici méritent une étude sérieuse, si l’on souhaite
ajouter sur son CV : « connaissance du français ».
Monika Romani
LA FABULEUSE HISTOIRE DE L’INVENTION DE L’ÉCRITURE de Silvia Ferrara Éditions du Seuil, 2021, 320 p., 22 €
«
Je suis en CM 2. La maîtresse écrit au tableau des signes étranges que je n’ai
jamais vus. La maîtresse écrit et, sans le savoir, elle appose un sceau sur ma vie.»
Silvia Ferrara, aujourd’hui professeur de philologie mycénienne à l’université
de Bologne, se rappelle cet instant extraordinaire qui va décider de ses
recherches, de ses découvertes, et de cette histoire de «
la plus grande invention
du monde ». Celle-ci n’a pas été inventée en un clin d’oeil, mais progressivement.
Dans des pages précieusement illustrées d’images rares et savantes – sceau en
jaspe gravé de signes crétois hiéroglyphiques, stèle d’un Danzante de Monte
Alban (Mexique), inscription avec licorne de la vallée de l’Indus, alphabet
de Hildegarde de Bingen, disque de Phaistos, etc. –, l’autrice nous fait voyager «
dans le temps et
l’espace comme dans les méandres de l’esprit humain ». Fabuleuse et passionnante histoire en effet des
écritures indéchiffrées, des écritures inventées et d’étonnantes découvertes, dont on peut imaginer
les joies qu’elles procurent. Au fil des pages de ce livre savant, mais très vivant et très agréable à lire, un souvenir m’est revenu : le poète libanais Saïd Akl m’apprit comment, d’un empattement retourné
au bas de la lettre F, il avait pu traduire un phonème arabe qu’on ne pouvait, à la lecture, entendre
en français. Un ouvrage rare pour des langues qui n’ont pas dit leur dernier mot. Savoureuses
perspectives...
Jacques Dhaussy
Signalons aussi :
- LES MOTS IMMIGRÉS, d’Erik Orsenna, de l’Académie française, et de Bernard Cerquiglini, illustrations de
François Maumont
(Stock, 2022, 120 p., 17,50 €, liseuse 12,99 €).
- COMMENT DIRE ? UTILISEZ LES FIGURES DE STYLE EN FONCTION DE VOS BESOINS, de Jean-Pierre Colignon (ediSens,
seconde édition, 2022, 240 p., 16 €).
- CINQUANTE ANS DE MÉTALEXICOGRAPHIE : BILAN ET PERSPECTIVES. HOMMAGE À JEAN PRUVOST, sous la
direction de Danh-Thành Do-Hurinville, Patrick Haillet et Christophe Rey (Honoré Champion, « Lexica, Mots
et Dictionnaires », 2022, 342 p., 45 €).
- ÉCRIRE SANS FAUTE(S). DICTIONNAIRE MODERNE ET PRATIQUE DES DIFFICULTÉS DU FRANÇAIS, de Jean-Pierre Colignon
(CFPJ, 2022, 28,50 €, à paraître).
- LES GRANDES RENCONTRES, de Véronique Berger Grenier (Éditions Maïa, 2021, 176 p., 18 €).
* * *
- RHÉTORIQUE. L'ART DE SAVOIR CONVAINCRE - MANUEL DE COMMUNICATION ÉLOQUENTE, de Robert Mercier (autoédition,
2021, 154 p., 13,99 €).
- QUI VEUT LA PEAU DU FRANÇAIS ?, de Christophe Benzitoun (Le Robert, « Temps de parole », 2021, 288 p.,
22 €).
- LE KJOKK. DICTIONNAIRE DES BIZARRERIES DE LA LANGUE FRANÇAISE, de Mickaël Schauli (AFNIL, 2021, 210 p., 20 €).
- L’AGENDA DES AMIS DES MOTS 2022, de Muriel Gilbert (Vuibert, 2021, 192 p., 14,90 €).
- HISTOIRE DES NOMS DE FAMILLE FRANÇAIS. DE LEUR FORMATION À LEUR DISPARITION, de Xavier Deniau
(L’Harmattan, « Nomino ergo sum », 2021, 258 p., 27 €, version numérique 20,99 €).
- LA GRAMMAIRE FRANÇAISE DANS TOUS SES ÉTATS, de Marina Yaguello (Le Seuil, « Essais », 2021, 240 p.,
8,30 €).
- LES MOTS BRETONS DANS LA LANGUE FRANÇAISE, de Nicolas et Serge Buanic (Éditions Ouest-France,
2021, 216 p., 12 €).
Nos adhérents publient
- Pour découvrir les sens d’un
mot au fil du temps, il faut lire
l’article que Pierre Avenas
publie, chaque mois, dans
La Jaune et la Rouge, revue
des anciens élèves et diplômés
de l’École polytechnique.
Ces articles d’étymologie sont
accessibles en ligne. Les trois
derniers ? : « entreprise »,
« histoire » et « logistique ».
- Avec Dans le fauteuil du
quatrième rang (France
Univers, « Les dictionnaires
du Bon Plaisir », 2021, 216 p.,
19 €), Michel Mourlet, éminent
théoricien du cinéma et de
l’audiovisuel, nous offre ses
notices sur deux cents films
des années 1968-1981. Ces
notices sont issues de divers
magazines et revues.
- Geôle à ballons, deuxième
roman d’Yvan Gradis est
« garanti sans fautes d’orthographe,
sans anglicismes, sans
écriture inclusive » et est
téléchargeable sur le site de
Librinova (coût : 2,49 €). La
version papier est disponible
chez cet éditeur (137 p.,
12,90 €).
- Sous le pseudonyme Yann-
Gaël Stéphan-Marceau, un
nouvel adhérent, ancien
professeur de lettres, publie
Nos élites prises en faute(s)
(Édilivre, 320 p., 22,50 €)
qui répertorie les fautes de
français de divers politiciens
ainsi que de présentateurs,
chroniqueurs, journalistes...,
non par agressivité, mais pour
les inviter à plus de rigueur,
et, pour les y aider, l’auteur
rappelle « les points de grammaire,
de vocabulaire et de
conjugaison... ».
- Les poèmes d’Achour Boufetta
dans Entre nous sont « un appel
à la vie, un hymne à l’Homme
et à la Nature », affirme Joël
Conte dans sa préface (Édilivre,
98 p., 11 €). Le correspondant
de la délégation DLF d’Algérie
nous annonce aussi la publication,
chez le même éditeur,
de Quelques nuances de la
langue française.
- Alain Ripaux vient d’éditer le
numéro 6 de sa Revue francophone
d’information.(84 p.,
8 € + 4 € de port). Ce numéro
est consacré, entre autres, à
la situation de la langue française
au Québec. Pour soutenir
l’action de Francophonie
Force Oblige, il lance un appel
à cotisation.
Commandes et
renseignements : ripauxalain
@gmail.com.
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